Savoir-être collectif des "élites" : l'exemple de Polytechnique.

Publié le par Patrice HUIBAN

 

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Au surlendemain du 14 juillet et de son traditionnel défilé militaire, il est intéressant de se pencher sur les choix effectués par l'Ecole polytechnique à l'issue de la suspension du service national.

En effet, cette école n'est plus depuis plusieurs décennies une école militaire. Uniquement placée sous la tutelle du ministère de la Défense, on pouvait s'attendre à ce que l'année de « service » y soit purement et simplement supprimée.

Et bien non ! A la demande des anciens élèves, cette période a été maintenue. Les jeunes qui intégrent ce prestigieux établissement effectuent désormais 8 mois de « formation humaine » dans « une affectation militaire ou dans organisme civil de terrain ».

 

Extraits de la présentation de cette période sur le site de l'Ecole :

 

« Chaque élève, au cours de ce stage sans équivalent dans les autres écoles d'ingénieur, prend conscience de l'importance du facteur humain dans le monde du travail et développe ses compétences relationnelles au sein du groupe ».

« Placé à dessein en début de scolarité, ce stage est conçu comme une « expérience de maturité » avec la réalisation d'une triple rupture géographique, sociologique et intellectuelle avec l'univers des classes préparatoires ou de l'université ».

« Le stage s'inscrit dans une démarche citoyenne. Trois quarts des élèves effectuent leur stage au sein du ministère de la Défense (armée de Terre, armée de l'Air, Marine, Gendarmerie nationale et Délégation générale pour l'armement). Pour le dernier quart des élèves français et pour l'ensemble des élèves internationaux, le stage se déroule dans un organisme civil (police nationale, éducation nationale, administration pénitentiaire, collectivités territoriales, associations caritatives et humanitaires) ».

 

On pourrait presque reprendre ces phrases mot pour mot en cas de remontée en puissance d'un service universel, à ceci près qu'il faudrait inverser les proportions entre organismes civils et militaires. En effet, les capacités d'accueil de l'outil de Défense tout comme ses missions premières ne lui permettent plus d'absorder les trois-quarts d'une classe d'âge, alors même qu'il n'y a plus actuellement de menaces massives aux frontières et que les besoins de la société sont énormes dans d'autres domaines.

 

Ce choix de Polytechnique est d'autant plus singulier qu'il tranche avec la démarche des autres grandes écoles. Ce stage apporte pourtant une réelle plus-value aux élèves. Les autres étudiants qui suivent un cursus de haut niveau, pourtant souvent formés dans un établissement public, gardent généralement une logique individuelle, voire individualiste, tout en étant fréquemment coupés sociologiquement de l'immense majorité de la population. Or, on ne peut prétendre faire partie de « l'élite » d'un corps social de part uniquement ses performances intellectuelles. Sans mise à profit de ce potentiel au service du collectif, on ne peut mériter ce qualificatif. L'action et l'engagement au profit d'une société que l'on comprend et que l'on aime profondément sont consusbstantiels à ce statut. Cela, Polytechnique l'a compris, alors même que la majorité de ses élèves va servir dans le secteur privé à l'issue de la scolarité... L'ENA, qui a pour vocation première de former de futurs grands serviteurs de la cité, a ici quelques leçons de civisme à recevoir. A bon entendeur...

 

Patrice HUIBAN.

 

Publié dans Réflexions

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